Musique, litterature et psychanalyse: La presence de l'autre

La musique nourrit l'imaginaire des ecrivains modernes, mais mesurer son impact reste problematique, au moment ou se trouvent radicalement remises en question l'interpretation du fait musical et celle du fait litteraire. Cette etude ecarte d'emblee certaines demarches analogiques. Son but est de montrer a quel point la presence musicale ressort de l'alterite, et de penser les rapports entre musique et litterature en termes de positions metonymiques, plutot qu'en termes critiques metaphoriques.;L'approche definie emprunte a la reflexion levi-straussienne--qui ancre profondement la musique dans le corps--et surtout a la psychanalyse, qui definit le plaisir musical comme oscillation metaphoro-metonymique entre rappel nostalgique des origines et depassement jubilatoire. Nous etudions la puissance du referent musical pris comme presence etrangere chez quatre ecrivains.;Dans La Nausee, le sens musical est une metaphore sartrienne de transcendance. Mais les descriptions de "Some of These Days" suggerent un reseau metonymique nourricier, permettant a l'effet musical d'atteindre sa puissance de revelation.;Dans L'Ecume des jours de Vian, la metaphore est evidente entre Chlo-E par Duke Ellington et le personnage Chloe. Toutefois l'investissement de Colin concerne plus le jazz que sa femme. La musique se revele nostalgique et narcissique, seule garante de la metonymie maternelle, seul refuge protecteur.;Chez Proust, l'effet musical semble ignorer le rappel maternel. Mais l'ecriture proustienne consiste a transformer la metonymie en metaphore, et les reseaux associatifs en essence des choses. La presence musicale est en fait celle de la mere polymorphe.;Dans Moderato Cantabile de Duras, le depassement des origines disparai t devant leur ressassement, qui seul fournit nostalgie et jubilation. La metaphore musicale de debordement et d'absence a soi epouse exactement une ambivalente metonymie maternelle. A l'inaccessible perfection musicale, qui traduit integralement l'ombre interne, s'oppose l'ecriture dans son imperfection et sa destruction.;La conclusion pose la musique comme inconscient de l'ecriture, permettant a celle-ci de reproduire la traversee fondatrice de la voix.